De l'harmonie à la lumière : la voie du pardon

Admin Nombre de messages : 23 Date d'inscription : 28/04/2006

partie 1

-Parbleu !!! Tu nous ca-ss-es les oreilles !!!!! Si seulement c’était dansant !

Un vieux bout de quignon de pain fusa du fond de la taverne vers un ange assit sur un tabouret, une harpe coincée entre les jambes. Impassible il esquiva le projectile, qui vint heurter la tête d’un ange roupillant avachi sur une des tables de la taverne.

-éh ? ânonna-t-il vaguement avant de se rendormir aussi sec.

-Dis donc Mithra tu crois que je te paies pour ennuyer les clients ? T’as intérêt de changer de registre, si tu veux espérer gagner le moindre écu ! Vociféra la matrone et tenancière des lieux.

Androgyne de naissance, Mithra s’était lié à la muse musicale dès son plus jeune âge. Désirant s’y consacrer entièrement il parcourait les terres démangiennes mendiant parfois quelques victuailles contre un aria, ou quelques mélodies.

-Une bourrée !!! Une bourrée !! Une bourrée !! scandèrent quelques piliers de comptoir, comptoir qu’il s’évertuèrent à tambouriner de concert à qui mieux mieux.

D’un air infiniment doux Mithra observa les convives, paraissant même s’excuser de ne pouvoir répondre à leur demande. Sans un mot, il rangea son instrument et se dirigea vers la sortie, alors que la tenancière relayée par son mari le regardait la mine infatuée de stupidité.

-Pas un sou, le musicien !! Tu m’entends ?

Inclinant sa tête vers la patronne, il la contempla d’un air calme.

-La musique Madame est un art qui ne se prête pas aux compromissions. Gardez donc votre bourse et la monnaie dont je n’ai que faire, offrez donc ma part en guise de tournée à ces convives.

Il fit un geste circulaire autour de lui, signe qu’il proposait une tournée générale. La proposition immédiatement reprise par les clients provoqua un tollé d’approbation, sous les yeux héberlués de la matrone ne sachant guère comment réagir face un tel huluberlu.
De son air plein de grâce, l’ange se dirigea vers la sortie, laissant derrière lui le brouhaha enfumé de l’auberge.

Il remonta en chignon les cheveux qu’il portait sous la taille, réajusta son kimono et remit son instrument fétiche sur ses épaules. La nuit était claire et chaude assez en tout cas pour lui donner l’envie de se promener sur les chemins qui bordaient les alentours.
Bien que n’ayant rien laissé paraître, les critiques acerbes qu’il avait entendu avaient troublé son cœur. Blessé, en proie au doute, Mithra se résolut à réfléchir à sa situation, au gré des allées sur lesquelles il marchait.

-Seigneur plein de grâce, faudra-t-il que l’art que tu m’as donné en partage soit de tous ici mal apprécié ? M’as-tu fais goûter à tes harmonies pour me retirer la joie de les partager ? Est-ce moi qui me trompe ? Suis-je voué à errer à la recherche d’une mélodie qui me fuit ? »

Il baissa son regard vers ses mains, des mains qu’il avait longues et fines ajoutant le regard accusateur :

-N’êtes vous donc pas aptes à réaliser ce pour quoi vous avez été conçues ?

Accaparé par ces pensées, il s’éloigna quelque peu du centre du village, aspirant à se laisser bercer par le silence du crépuscule. Réfléchissant sur sa vocation il en était arrivé à s’inquiéter de savoir s’il n’eut pas mieux fait de s’adonner à un passe-temps plus lucratif et moins exigeant, lorsque un son issu semble-t-il d’un coteau sur sa droite, l’interpella.

Il s’avança plus avant tendant l’oreille : quelques notes d’une pureté éclatante tintinnabulèrent jusqu’à ses oreilles.
« Une harpe ! » murmura Mithra
Quelle perfection ! L’être qui joue si divinement doit être assurément touché par Sa Grâce.
Fasciné, la créature angélique s’approcha à pas lent de la source des sons. Face à lui, le dos tourné, un chérubin jouait d’une cithare Installé sur un petit rocher qui lui servait de promontoire . N’osant l’interrompre, le jeune ange fit encore quelque pas le yeux brillant de plaisir.

Quand celui-ci sembla marquer une pause, Mithra s’approcha de lui se postant devant le chérubin afin de le saluer. Il fut frappé de constater que ce visage n’avait pas d’âge, il n’aurait pu dire s’il s’agissait d’un chérubin fraîchement né, ou d’un vieillard, tant l’être qui lui faisait fasse semblait imperméable et au temps et à la lourdeur de ce monde. Presque aussitôt l’ange pris la parole, encore ému de ce qu’il venait d’entendre. Après quelques mots de salutations il s’empressa de lui faire part de son émoi.

-Maître, car comment pourrais-je appeler un être atteignant une telle perfection, pouvez-vous m’enseigner, pourriez vous m’apprendre ? Je serais assidu et…

Le chérubin leva la main vers l’ange signifiant par la qu’il ne voulait pas qu’il en dise plus.

-T’apprendre, cela je ne le peux point. N’en prends pas grief, mais cette voie n’est pas une voie qui s’enseigne, elle est voie de transmutation et non de simple apprentissage.

- Tant qu’à la lumière tu n’auras pas lier ton art, tant que seul tes mains se poseront sur ton instrument, tu ne pourras guère que jouer les sons du tout venant, mon ami.

Le chérubin le regarda de ses deux yeux couleurs d'opale.

-Garde bien ce que je vais te dire à l’esprit, mon ami, je l’ai appris bien tard, et réaliser réellement, bien plus longtemps après encore :

-Ce n’est pas de ton instrument que tu accordes, c’est ton âme que tu disposes à résonner avec les célestes harmonies. Ce n’est pas des notes que tu joues, mais une partition qui se joue à travers ton être.
Quand tu auras intégrer cela, alors ta musique sera pure lumière. Voilà la clé de l’harmonie.

-Et maintenant trinquons mon ami, à notre rencontre et à notre muse, je garde par là un nectar dont tu me diras des nouvelles.

La nuit passa, et des jours puis des années.
L'ange ne recroisa pas ce maitre d'un soir.
Cependant, peu à peu l'âme de l’ange commenca à opérer une profonde métamorphose ; il ne connaissait pas encore la partition qui se jouait à travers lui, mais il réalisait au fur et à mesure, que l’exercice de son instrument avait accordé à son cœur l’infini d’un amour inconditionnel et la force du pardon, le guidant pas à pas, vers la voie de la mansuétude à l’égard de tout ce qui avait été engendré sur cette terre.

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